Certains magiciens sont venus de très loin : depuis Brest, Saint-Nazaire, Rennes, et même depuis Berric. Ludovic MIGNON nous reçoit chez lui à Lorient pour nous présenter son dernier coup de cœur : Lionel Gallardo (à droite sur la photo), un magicien espagnol incroyable. La conférence, exposée dans un français parfait, se définit plutôt comme un partage. L’intervenant nous dit avoir profité de la parenthèse Covid pour écrire tous les principes qu’il utilise lors de ses prestations. Ses notes de conférence Mi(s) Directe Magie en sont un résumé et il nous confie que plusieurs livres sont en cours de rédaction. Son système consiste à chercher le point d’intérêt. Le spectateur regarde ce point d’attention et ne voit pas ce qui est autour. Et nous allons pouvoir constater à l’aide de nombreux exemples que sa théorie tient la route. Sa performance nous a littéralement bluffés tout au long de son exposé pour notre plus grand plaisir.

Première partie

En guise d’introduction Lionel Gallardo nous offre un florilège d’effets menés rondement avec énergie et drôlerie, tous plus efficaces les uns que les autres.

• Apparition instantanée d’un jeu de cartes.
• Parenthèse avec un gag : un FP sous le nez des spectateurs qui ne sera pas remarqué pendant une routine de cartes pour illustrer sa théorie sur l’attention.
• Gag de la carte animée sous l’éventail comme s’il voulait la forcer (effet que Derek Dingle utilisait souvent) puis une carte signée retrouvée en quatre seconde grâce à la Daryl’s Hot Shot Cut (Voir For Your Entertainment Pleasure – 1982, p. 73.
• Gag de la carte sortie de la pochette de poitrine (poche qui n’existe pas !) de Larry Jennings.
• Technique de la Jump-up Card (décrite dans le Tarbell, Vol. 4, p. 124, 1945). Harlan Tarbell écrit que Audley Walsh utilise cette technique depuis de nombreuses années ; On en trouve également l’explication dans le fascicule Marlo’s Discoveries, publié en 1946.
• Sa version de la carte retrouvée dans la bouche popularisée par Malini, Gaëtan Bloom, David Stone, David Blaine, Éric Leblon … La première description de cette révélation se trouve dans Greater Magic, 1938, page 308 et décrit la méthode de John Scarne. En lisant les souvenirs de Dai Vernon à propos de Malini, on se rend compte que ce dernier faisait aussi ce tour bien avant Scarne. Voir Malini and his Magic, 1961.
• Ses méthodes pour la disparition du jeu, pour la sortie de la carte signée du portefeuille.
• La carte choisie qui voyage depuis le jeu entre les mains du spectateur.
• La carte est retrouvée sous la montre (Bernard Bilis) avec des conseils pratiques. (Voir DVD Stars of Magic, Watch, watch my watch !
• Disparition d’une carte au pull-over grâce à ce que Gallardo appelle le « Belly Stripper » (qui n’a rien à voir avec un certain jeu de cartes ; les initiés nous comprendront). Cette technique est une combinaison/adaptation du Rub-A-Dub et de la disparition d’une pièce dans le pli d’un vêtement de Bobo !

Après ce feu d’artifice, nous sommes sous le charme car sa présentation est impeccable et les rires fusent toutes les quinze secondes.

Deuxième partie

Vient alors le moment de la discussion et des explications. Tous les détails seront abordés, y compris l’importance des pauses. Nous avons droit à un historique et à des astuces pour la carte à la bouche, pour la carte sous la montre, pour gérer le spectateur, le principe de la vision extérieure et de la vision intérieure, la bonne façon d’effectuer le pliage Mercury, et la technique magnifique du Belly Stripper qui peut servir pour la carte à la bouche ou pour une traversée de la matière, en fonction des conditions assis à table ou debout.

Une succession d’effets magiques vont maintenant servir lors des moments en transit. Nous apprenons en détail l’apparition instantanée du jeu de cartes en simulant la prise d’un objet invisible qui devient un centre d’intérêt, puis l’apparition du stylo derrière l’oreille du spectateur, les subtilités pour la carte au portefeuille et pour les disparitions de jeux.

Digression avant la pause avec Chiqui Wild Card, une routine de cartes folles originale et le seul tour proposé à la vente. Cette routine est visible sur Youtube et vous pouvez l’avoir en espagnol dans son livre Mi(s)Directa Magia, Vol. 1, p. 119, publié en 2021.

Troisième partie

Cette fois nous découvrons les explications de différents effets :

• Le jeu qui diminue d’épaisseur (C’est une forme d’illusion décrite en 1954 dans la revue New Phoenix no 321 par Martin Gardner qui ne s’en déclare pas le créateur. À l’origine, c’est-à-dire en 1938, dans le livre The Card Expert, l’idée est utilisée pour effectuer un mélange jeu en mains. La technique est dérivée de la fioriture de la cascade.
• La carte en bouche. Tout commence avec la technique de l’Over Change (En fait le Tipover Change de Stanley Collins décrit en 1925 dans son livre Collins’ Card Conceits) décrite aussi dans la Technique Moderne aux cartes de Hugard et Braue (1940). Ici aussi les détails « qui changent tout » sont expliqués. Le dépôt de la carte dans la bouche est traité selon les conditions de travail debout derrière une table, en condition de Close–up en condition de salon et de scène, et en condition de magie pour les enfants avec des variantes.
• La disparition sous contrôle du spectateur est un autre grand moment de rigolade et de fort impact. Le spectateur est témoin d’une impossibilité car il tient les poignets du magicien. L’Over Change modifié et la carte entre les lèvres sont détaillés et permettent une ambitieuse rythmée en trois phases très rapides.
• Le moment très attendu de tous est l’explication de son contrôle, le « Lionel Card Control » ou LCC. Six détails permettent une illusion parfaite dont quatre sont effectués quasi en même temps. Tout est expliqué dans ses notes pendant 25 pages !
• C’est une arme atomique insoupçonnable, présentée une dizaine de fois sans que nous ayons pu comprendre son mécanisme. (cousin de Light-reft Spread Pass de Piet forton & Wolff von Keyserlingk décrit dans Concerto for Pasteboards - 2000… qui a inspiré le Losing Control de Lee Asher décrit dans son fascicule Hand Jobs publié en 2001). Ce contrôle a été également décrit dans Semi-automatic Card Tricks, Volume 9 de Steve Beam, publié en 2015.

Quatrième partie

• Sa version des boulettes de Slydini, de l’avis des spectateurs présents est la meilleure version jamais observée ! Nous sommes hilares tout le long de la routine. C’est le spectateur qui est la star, il est traité avec bienveillance et le discours préliminaire est très bien vu. La routine se déroule en une dizaine de phases toutes rigolotes et toutes différentes. Elle est bien expliquée pas à pas dans ses notes. Quarante et une pages lui sont consacrées dans ses notes !
• Les techniques, du forçage à la coulée et du forçage Hofzinser sont bien expliquées (NB : on a trouvé un manuscrit du XVIIIe dans lequel le soi-disant forçage « Hofzinser » était déjà décrit….)

Cinquième partie

Pour finir en beauté Lionel Gallardo nous montre un tour extraordinaire non expliqué : une carte signée est retrouvée dans l’étui placé nettement hors de portée du magicien, puis viennent deux voyages supplémentaires avec à la fin toutes les cartes qui se retrouvent dans l’étui ! (à paraitre dans un de ses prochains livres)

Lionel Gallardo est vraiment sympathique. Il a le sens de la pédagogie et nous sommes frustrés de ne pouvoir passer plus de temps avec lui. Il a remporté un franc succès. Son partage magique qui a duré trois heures et quart sans une seconde d’ennuie s’est terminé par une ovation debout.